n°03, le 12 février 2024

Giulia Zanvit a la nature sensible

Nous sommes le 26 octobre lorsque Giulia Zanvit arrive au Studio. Comme à son habitude, l’artiste ne se déplace jamais sans une multidudes de trésors qu’elle a ramassé dans la nature, c’est même la base de son travail. Artiste pluridisciplinaire au langage subtil, Giulia Zanvit réalise des oeuvres avec les élements de la nature. Feuilles ramassées chez elle dans les Cévennes, coquillages de bord de mer, roches des montagnes, sont autant de matières premières que l'artiste récolte et amasse avec sagesse.
Les oeuvres de Giulia Zanvit prennent souvent la forme de perfomance ou d’installations éphémères. Dans son travail, elle met sa sensibilité au service du fragile, du miniscule, de l’invisible, dans une démarche presque capillaire de la nature, « ca me traverse » dit-elle.

C'est avec ses recherches sur la sublimation du vivant et ses questionnements sur le minuscule que Giulia Zanvit rejoint le Studio en octobre 2023.

Choisir une âme

Le premier jour de sa résidence Giulia Zanvit sélectionne, parmis les éléments naturels qu’elle a apporté avec elle, ceux qui lui parlent le plus - aujourd’hui. Sur sa table de recherche l’artiste étale avec soin, branche, assemblage de fleurs, pierre et écailles de tortue.

Durant ces trois mois de résidence l’artiste souhaite focaliser son atention sur une seule de ces âme. Chaque élement l’amènera sur un chemin différent. Giulia Zanvit démarre alors ses recherches autour de l’élément branche, et dès le premier jour, une notion importante, pour la suite de la résidence, se dessine, celle d’écrin. En intégrant la matière terre à son travail, l’artiste souhaite révéler et protéger le vivant, la matière terre doit faire partie de la pièce finale, c’est un tout, un rassemblement.

La pierre revient souvent à son regard.
Finalement, ce sera la pierre.

L’attention de l’artiste se recentre autour de la pierre de Schiste. Curieusement, il s’agit du seul élement naturel qui n’est ni réelement fragile, ni même léger. La pierre est massive, lourde en main, sa force et son poids vont remuer le processus de création de l’artiste, lui demander de penser différement. En laissant de côté la légerté, Giulia Zanvit donne une voix à quelque chose de bien plus imposant encore : la montagne. La montagne, cet être géant, fondateur, si important pour elle.

La pierre est la montagne
Ecosystème fragile

La terre a une mémoire

Giulia Zanvit est en accord avec la nature : l’oeuvre d’art est dans la nature, la nature est son espace d’introspection. Dans ce travail d’observation du vivant l’artiste a une place sensible, elle ne souhaite pas modifier ce qui est, mais révéler, travailler à partir de. Son intervention sur la nature est le fondement de sa démarche : qu’est-ce que l’artiste peut apporter avec la main ? L’élément terre apporte une partie de réponse. La terre est un matériau à la capacité de dialogue, c’est une matière vivante, autonome et porteuse d’une force d’âme.

Modeler la matière terre demande du temps et de la patience. Du temps parce que le processus de fabrication céramique est long - travail à cru, séchages, cuissons, analyses des résultats - et de la patience car il faut apprendre à écouter, comprendre, accepter les échecs, recommencer. La terre est chargée d’une mémoire et possède une intuition. Chaque geste est inscrit en elle et l’artiste lui demande humblement de l’accepter. Notre devoir est de laisser s’exprimer la terre - faire reculer l’ego - écouter - observer - cohabiter.

L’argile, à la fois dans sa personnalité de matière vivante et dans ce qu’elle évoque de symbolique, résonne fort chez Giulia Zanvit. En travaillant la terre l’artiste porte une oreille attentive à cette matière nouvelle, vivante elle aussi. Sa qualité d’observation et d’attention de la nature fait d’elle une alliée, consciente que nous nous devons d’être des traducteurs honnêtes de la matière.

La terre réveille en l’artiste un besoin nouveau, celui de créer quelque chose de solide et qui peut durer dans le temps. Jusqu’alors les oeuvres pérennes de l’artiste étaient des photographies, des dessins et des peintures.

Le coeur de la montagne

« Est-ce que je ne suis pas trop dans le bloc » s’interroge-t-elle ? La pièce qui émerge est massive, c’est un bloc. Giulia Zanvit ose et réalise une sculpture imposante, qui ne s’excuse pas d’exister. Elle existe comme si elle avait toujours été là. Les lignes sont franches, presques brutes, comme un bloc de pierre de taille. Cette pièce est un fragment, elle est extraite à l’origine et raconte l’Histoire de la montagne, une histoire parmis des milliers d’histoires, un fragment de vie.

La pierre et la terre semble liées l’une à l’autre, la pierre s’enracine dans la terre. Sans la pièce en grès la pierre de Schiste ne pourrait pas tenir debout : la montagne est le pilier de la vie. Ensemble ils créent une histoire nouvelle, celle d’une sculpture paysage habitée.

Le coeur de la pièce en grès est vide :
le coeur est la montagne

C’est le coeur de la montagne

« Les montagnes c’est quelque chose qui m’habite » me dit Giulia Zanvit. Cette phrase réveille en moi un souvenir, celui de ma découverte de l’artiste. C’était il y a six ans, l’exposition s’appelait Mémoires de Montagne. Aujourd’hui ce nom fait écho bruyamment au travail qu’elle a développé pendant sa résidence au Studio. A l’époque de cette exposition Giulia Zanvit ne travaillait pas encore en volume, elle exposait son travail de photographies, des dessins abstraits aux formes nuageuses, qui racontaient la montagnes sous forme de souvenir. Aujourd’hui je revois ses photographies de nature, les macros de matières. Ces images me semblent avoir plusieurs vies. Il y a l’histoire qui m’est racontée de loin, au moment de la découverte, et une histoire qui m’est racontée de près, lorsque j’écoute. Il faut se rapprocher pour voir : c’est en se rapprochant que l’on perçoit à quel point le minuscule est grand.

Giulia Zanvit

Minuscule, fragile, invisible
Grand

CARTEL

Il y a toujours cette volonté qui dirige le geste, celle de révéler ce qui est là. La matière brute, naturelle, la beauté qui nous entoure.

PIERRE / TERRE

L'empreinte, La maison, Le corps,

L'accueil.

Dans la pierre, je vois la montagne.
Dans la pierre je vois un temps millénaire. Une mémoire qui fait paysage.

Dans la terre, je vois le foyer.
Dans la terre je vois une mère intemporelle. Une matière humble et puissante.

Sertir la pierre brute qui se trouve en grand nombre sur la terre de Lozère, c’est la mettre en valeur, la rendre précieuse, comme le fait la joaillerie. La terre pour se faire monture, prend l’empreinte de la pierre,
elle porte en elle indéfiniment le souvenir.

La terre n’est pas un simple socle, elle est façonnée dans la masse avec précision. Sa forme est unique, comme la pierre.
Cette pièce forme alors une harmonie, un équilibre.

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Pietro signifie Pierre en italien. C’est le prénom de mon père.

Dans cette sculpture,
la terre-mère embrasse la pierre pour la faire tenir debout.

Elle est silencieuse, assez petite et nous parle de l’immensité. Celle de la montagne et celle de l’amour.
Qui nous dépassent et font qu’on se dépasse.

Je crois qu’elle nous dit tout doucement « ça va aller ».

PIETRO

Grès noir, pierre de Schiste et Quartz
17 x 12 x 36cm
2024

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@giulia.zanvit